Un projet d'amélioration des connaissances des chilopodes en cours en Auvergne-Rhône-Alpes
Un projet d’amélioration des connaissances sur les chilopodes de la région Auvergne-Rhône-Alpes a été initié dans le cadre du Pôle Invertébrés en lien avec Etienne Iorio afin de disposer des connaissances de bases sur ce groupe peu difficile à étudier et regroupant un faible nombre d’espèces. Les naturalistes motivés peuvent se former sur la thématique sans difficultés majeures, pour peu qu’ils maitrisent déjà l’utilisation des clés de détermination et l’usage de loupes binoculaires. Pour les volontaires moins spécialisés, il reste possible de contribuer en photographiant ou en collectant les spécimens observés.
Dans tous les cas, nous invitons les volontaires à se rapprocher du Pôle Invertébrés ou des référents par département afin d’avoir connaissance des complexes d’espèces, des zones et des habitats les plus intéressants à prospecter.
Deux manières de contribuer
- Apporter ses données d’observations en récoltant puis en déterminant soi-même ses captures, en lien avec les référents départementaux du projet
- Récolter, conserver et transmettre ses spécimens aux experts en région
Les experts en région
- Guillaume Jacquemin : pour les départementaux de l’Ain, de la Savoie et de la Haute-Savoie ou les parties limitrophes du Rhône (contacter par mail)
- Etienne Iorio : pour les autres départements de la région (contacter par mail)
Toute autre personne expérimentée et volontaire pour contribuer à la détermination des échantillons prélevés dans le cadre de ce projet peuvent se manifester pour allonger cette liste.
Où trouver les chilopodes ?
Comme présenté dans notre premier article, les chilopodes occupent de nombreux milieux naturels. En Auvergne-Rhône-Alpes, les forêts et les grottes constituent deux macro-habitats notablement intéressants à prospecter. Mais il est également intéressant de rechercher les chilopodes dans d’autres types de milieux : pelouses et prairies bien exposées, garrigues, boisements méditerranéens clairs, milieux écorchés et pierreux chauds. Même les parcs, les jardins et les serres (péri-)urbain(e)s peuvent présenter un intérêt : il a déjà été montré qu’ils pouvaient abriter des espèces importées et acclimatées qu’on ne trouve nulle part ailleurs (e.g. Iorio, 2016). De façon plus ciblée, les forêts alluviales et les prairies marécageuses à proximité immédiate de grandes rivières et de fleuves pourront potentiellement apporter de rares espèces spécialisées (notamment Lithobius curtipes). Les milieux sableux rivulaires ou non loin de grandes rivières pourraient aussi éventuellement apporter des espèces complémentaires.
Au niveau des micro-habitats, les sites comportant des repaires tels que des pierres en contact étroit avec le sol et de préférence de taille minimale d’au moins 10×10 cm (Fig. 1), des bois morts ou rondins au sol, une épaisse couche de litière et/ou de mousse (cette dernière y compris sur les pierres et rochers), seront propices à accueillir de nombreux chilopodes. L’humus et le sol lui-même, dans sa couche supérieure, accueillent des espèces à tendance hémi-édaphique.
Récolter, conserver et transmettre ses échantillons
Nous ne reportons ci-dessous que les deux méthodes les plus simples pour réaliser de bons inventaires qualitatifs. D’autres méthodes existent, davantage axées sur l’aspect quantitatif des populations de chilopodes.
La chasse à vue
Une technique très simple et qui ne nécessite ni matériel couteux, ni matériel encombrant, est de rechercher à vue les spécimens sous leurs repaires naturels dans les divers habitats évoqués plus haut (Fig. 3, 4, 5, 6, 7 et 8). Il suffit pour cela de retourner les pierres et les rondins propices, les mousses, de fouiller dans la litière et le sol en s’aidant éventuellement d’un piochon. Afin de ne pas détruire les micro-habitats favorables à ces espèces et à bien d’autres, chaque repaire retourné sera remis en place après avoir été fouillé.
Pour ce faire, il suffit de s’armer d’une pince semi-rigide (Fig. 9) et de flacons à demi-remplis d’alcool blanc à 70° (Fig. 10). Comme on peut trouver assez facilement de l’alcool blanc à 96° en magasin de bricolage, par exemple de l’alcool combustible pour cheminées, il suffira de diluer ce dernier dans une bouteille d’un litre (ou un bidon de 5 litres) à raison de 2/3 d’alcool pour 1/3 d’eau du robinet. Cela donnera un alcool blanc d’environ 65°, ce qui est largement suffisant pour conserver les chilopodes pendant des années. L’alcool à 96° non dénaturé serait le mieux pour opérer le même mélange ; mais étant plus difficile à se procurer et plus onéreux, la solution ci-dessus permettra quand même de les conserver efficacement.
Comme certains chilopodes sont assez vifs, il faudra un peu de dextérité pour les capturer, ce qui vient assez vite en pratiquant (espèces des ordres Lithobiomorpha et Scolopendromorpha ; l’unique espèce de Scutigeromorpha, Scutigera coleoptrata, s’identifiant très facilement à vue). Les Geophilomorpha étant nettement plus lents, l’observateur aura davantage de temps pour les saisir ou même les photographier.
Le tamis de Winkler
Le tamis de Winkler accompagnera utilement les chasses à vue. Avec cette méthode, on prélève une bonne pelletée ou une grosse poignée de litière, d’humus ou de sol, qu’on place dans ce tamis que l’on secoue vigoureusement pour en faire tomber les invertébrés dans la partie inférieure.
La grille médiane permettra de retenir les gros débris et de laisser passer les chilopodes (grille de mailles 8×8 mm ou 12×12 mm selon les cas ; la 8×8 mm étant plus adaptée). Les éléments tombés dans la partie inférieure seront ensuite vidés sur un drap blanc ou une large coupelle pour y repérer plus facilement les individus au sein des débris fins de litière, de sol et/ou d’humus.
Transmettre ses contributions
Les informations utiles à relever
Les informations « classiques » utiles à relever sont les mêmes que pour tout inventaire d’une station échantillonnée quels que soient les invertébrés concernés, tels que :
- La localisation précise (idéalement des coordonnées X/Y en degrés décimales WGS84) ou à défaut la commune (+ département ou code insee pour limiter les erreurs d’homonymes)
- La date complète de la récolte
- Le récolteur et – le cas échéant – le déterminateur
- Un descriptif succinct de l’habitat (hêtraie, chênaie-charmaie, mélézaie, fourré de prunelliers et d’aubépines ou même « fourré » tout court, pelouse sèche, prairie humide, marais, jardin, parc urbain, berge arborée (ou non) de rivière et si possible avec la ou les essences dominantes, etc)
- La méthode de collecte utilisée (chasse à vue, tamis de Winkler, tri de litière…)
- Toute autre information facultative qui serait jugée nécessaire : précisions sur l’habitat, substrat si particulier (sols sableux, grottes etc), micro-habitats etc
Si on se trouve dans une même localité mais qu’on prospecte plusieurs habitats, plusieurs échantillonnages distincts seront effectués.
Pour les contributeurs qui effectuent eux-même la détermination des échantillons, il est également nécessaire de communiquer :
- Le nom latin du taxon identifié
- Son cd_nom (cf. site de l’inpn ou le référentiel taxref)
- Le nombre d’individus et éventuellement leur sexe
- Toute précision jugée utile sur la morphologie des spécimens par exemple.
Les données seront progressivement envoyées au référent du département concerné cité plus haut, pour que celui-ci puisse avoir un regard sur les données avant qu’elles ne soient transmises au Pôle Invertébrés (processus de validation).
Toutes les données produites dans ce cadre seront publiques et diffusées par le biais du Pôle Invertébrés.
Des formations à venir
Dans le cadre de ce projet, des sessions de formations seront proposées aux contributeurs – tant sur la collecte que sur la détermination des échantillons prélevés.
En attendant ces formations, tous les contributeurs sont invités à faire confirmer leurs déterminations (photos des critères ou prélèvements) auprès des référents départements afin de garantir la fiabilité et l’homogénéité des connaissances produites.
Conserver et transmettre ses prélèvements
Pour les contributeurs souhaitant récolter puis faire identifier leurs prélèvements, il sera nécessaire de placer les spécimens dans des tubes Eppendorf (ou équivalents) au moins à moitié remplis d’alcool à 70°, si possible avec bouchons à vis car nettement plus étanches, puis de les envoyer au référent mentionné plus haut pour leur département. Des kits de prélèvements adaptés (tubes à vis avec alcool et étiquettes) peuvent être mis à disposition par le Pôle Invertébrés sous réserve de stocks disponibles.
Bien entendu, une étiquette avec les informations précises de la station des spécimens sera glissée dans chaque tube. Soulignons que le crayon de papier, le stylo noir à pigments tout comme l’encre de Chine résistent à l’alcool. Un fichier tableur sur la base du modèle plus haut pourra être envoyé par courriel.
Le tout sera ensuite envoyé après prise de contact avec le référent de son département cité plus haut, dans une enveloppe suffisamment résistante (enveloppe à bulles ou cartonnée).
Aller plus loin
Pour les contributeurs volontaires, voici certaines références :
- Clés pratiques pour les chilopodes de la moitié nord de la France, avec préambule fournissant diverses astuces pour la mise en collection des déterminateurs, pour gagner du temps sur l’examen morphologique, etc. ces clés restant très utiles pour les départements septentrionaux d’AURA, mais uniquement en plaine :
Iorio É. & Labroche A., 2015. – Les chilopodes (Chilopoda) de la moitié nord de la France : toutes les bases pour débuter l’étude de ce groupe et identifier facilement les espèces. Invertébrés armoricains 13 : 1-108. Chilopoda Scolopendromorpha de France :
Iorio É. & Geoffroy J.-J., 2008. – Les scolopendromorphes de France (Chilopoda, Scolopendromorpha) : identification et distribution géographique des espèces. Riviéra scientifique 91: 73-90.Chilopoda Lithobiomorpha de France : L’ouvrage suivant, bien qu’aujourd’hui un peu dépassé et nettement moins pratique que Iorio & Labroche (2015), permet d’aborder la quasi-totalité des espèces du Sud ; nous ajoutons à sa suite deux autres articles utiles :
Iorio É., 2010. – Les Lithobies et genres voisins de France (Chilopoda, Lithobiomorpha). Révision de plusieurs espèces méconnues et nombreux apports inédits à la connaissance du genre Lithobius Leach, 1814. Avec une clé des familles, des genres et de toutes les espèces de l’ordre. Supplément à la Revue de l’Association Roussillonnaise d’Entomologie 19: 1-104.Chilopoda Geophilomorpha de France : La faune de France de Brolemann (1930), bien que largement dépassée, reste utile pour identifier nombre de géophilomorphes des Alpes, du Massif central et du Sud ; attention, pour certains cas septentrionaux ou même d’ailleurs (e.g. Strigamia crassipes, Geophilus studeri…), il faudra utiliser Iorio & Labroche (2015). Les deux ouvrages se complètent relativement bien. À moyen terme (fin 2023 ?), il paraîtra un ouvrage pratique permettant d’identifier plus facilement tous les chilopodes de PACA et de Rhône-Alpes, ainsi que des secteurs voisins.
Brolemann H. W., 1930. – Eléments d’une faune des myriapodes de France. Chilopodes. Faune de France, 25. Imprimerie Toulousaine, Toulouse; P. Lechevalier, Paris, 405 p.Enfin, il ne s’agit pas d’un ouvrage d’identification, mais le catalogue suivant est très utile, voire indispensable pour pouvoir utiliser la faune de Brolemann (1930) (e.g. réactualisation des noms d’espèces) :
Iorio É., 2014. – Catalogue biogéographique et taxonomique des chilopodes (Chilopoda) de France métropolitaine. Mémoires de la Société linnéenne de Bordeaux 15: 1-372.
Etienne Iorio
Spécialiste des chilopodes et expert référent auprès du Pôle Invertébrés